Les défenseurs
du patrimoine architectural de la Lorraine s'émeuvent du sort de
l'ancien Hôtel du Parc voué à la démolition. Une action en justice
est engagée.
EPINAL. « Un
recours a été déposé il y a dix jours en sursis à exécution »,
explique Me Laffon, du Barreau de Nancy, saisi par l'association
Avancée de Plombières, présidée par Marcel Pirih, qui s'est
constituée autour de la défense du patrimoine plombinois. Il doit
être examiné aujourd'hui par le tribunal administratif de Nancy. «
S'il est accepté, l'affaire sera ensuite jugée au fond. »
Le bâtiment
Art Nouveau de Plombières menacé de démolition (voir notre article
du 5 septembre) se trouve dans le lieu le plus stratégique au plan
patrimonial de la cité thermale. Entre le casino et les Thermes
Napoléon classés.
« L'urgence
caractérisée ne fait pas de doute. Sur la forme, la mairie est
propriétaire du bâtiment, mais le conseil municipal n'a pas donné
son assentiment à sa destruction, mais seulement le maire. Sur le
fond, la mairie n'a pas présenté de mémoire en défense sur les
arguments que nous lui opposons. »
Une position
contradictoire
L'avocat
s'interroge également sur la position même de l'ABF qui lui semble
contradictoire, puisque dans le même temps où l'on déclare le
bâtiment mériter d'être sauvegardé, on autorise sa démolition, alors
que l'architecte est précisément chargé de veiller à l'intégrité du
patrimoine, à l'intérieur de la « ZPPAUP », périmètre protégé sur
lequel il a autorité.
Une remarque qui n'a pas échappé non plus à Denis Grandjean,
directeur de l'École nationale d'architecture de Nancy, qui s'est
ému avec plusieurs enseignants et élèves de son école de la
destruction envisagée du site. « Cela me fait penser aux péripéties
nancéiennes de la tour Thiers, lorsque cet immeuble s'est élevé sur
les ruines du coeur Belle époque de la ville, qui ne s'en est jamais
remis. »
« J'ai signé
la pétition lancée par l'association de défense plombinoise », note
celui qui est également chargé du patrimoine comme élu de la
communauté urbaine du Grand Nancy. « L'ancien Hôtel du Parc est au
coeur d'une zone historique à la personnalité très forte, le
Plombières du Second empire. Ce n'est pas tant la valeur
architecturale du bâtiment de Plombières qui est en cause, que son
environnement, un ensemble exceptionnel où il a sa place.
Comme à Nancy
où les maisons qui bordent la rue Stanislas n'ont pas une valeur
architecturale énorme par elles-mêmes, mais elles s'inscrivent dans
la ville de Stanislas, et dans la perspective de la place. On ne
peut y toucher. Il y a tout de même des solutions plus subtiles que
la démolition !
Par ailleurs,
la ZPPAU est faite pour protéger ces bâtiments, pas pour les
démolir. Comment peut-on s'exonérer de sa mission ? C'est une
situation peu compréhensible. On fait table rase pour
reconstruire... on ne sait trop quoi ! C'est d'autant plus grave
pour Plombières que le patrimoine bâti de cette ville est son vrai
pétrole, ce qui fait que les gens iront plutôt à Plombières pour son
style, son atmosphère, plutôt que dans telle autre station
thermale... »
Les
antiquaires
Il serait
dommage que la démolition, qui coûte d'ailleurs très cher
n'enrichisse que les antiquaires spécialisés dans la récupération...
Une éventualité que se refuse à connaître Dominique Bruillard,
architecte lui-même et opposant déclaré à la municipalité Dubouis. «
Le maire a lui-même demandé en 2002 le classement de cet immeuble,
dont l'escalier est très proche du Jugendstil allemand, pour le
protéger. Mais comme cela n'a pu être obtenu tout de suite, il
profite de l'intermède pour le faire démolir afin de mettre à la
place la maison de retraite qui manque à la ville !
Ce dernier
programme est une urgence absolue, l'actuel établissement n'étant
plus du tout aux normes de sécurité. En bâtir un nouveau prendra du
temps. Une fois la démolition faite, il y aura des fouilles
archéologiques, car on sait qu'il y a des vestiges à cet endroit. Il
faudra des années pour qu'une nouvelle maison de retraite voie le
jour ! »
Guillaume MAZEAUD
EST REPUBLICAIN
Marcel Pirih, président d’Avancée.
Derrière lui, le bâtiment destiné à la destruction pour laisser
place à une maison de retraite. Photo
Philippe BRIQUELEUR (Est-Républicain)